Publié le lundi 6 décembre 2021

[L’instant tech] Bioguard dans l’Usine Nouvelle

06.12.2021/ L’USINE NOUVELLE – Alors que le variant Omicron menace la planète, le fabricant de billets de banque François Charles Oberthur a mis au point Bioguard, une technologie autonettoyante pour protéger les surfaces – papier, plastique, bois… – contre les risques de contamination, y compris au Covid-19. L’Usine Nouvelle a visité le laboratoire de R&D où a été développée sa solution.

Pour des raisons de confidentialité, le centre de recherche papetier situé à Apprieu, à une trentaine de kilomètres de Grenoble (Isère), n’accueille qu’un public trié sur le volet. Son propriétaire, le groupe François Charles Oberthur (connu aussi sous le nom d’Oberthur Fiduciaire), acteur mondial de la production de billets de banque, y prépare l’avenir. Le centre VHP Security Paper développe et expérimente des technologies qui sécurisent les billets de banque. Dans ce laboratoire de 3000 m2, partagé avec le fabricant de matériaux fibreux finlandais Ahlstrom-Munksjö, une dizaine de chercheurs, ingénieurs et techniciens fonctionnalisent des surfaces à l’aide d’équipements pilotes.

À côté du hall où des machines produisent des feuilles de papier à partir d’un mélange de fibres et d’adjuvants, un laboratoire étudie la chimie, un autre la microbiologie. Plus loin, une salle de vieillissement observe l’évolution d’une solution fraîchement imprégnée dans la masse d’un substrat fibreux. C’est ici qu’est née la technologie Bioguard.

Protéger les surfaces contre les contaminations

Dans le sillage de la pandémie, la société Bioguard & Co, filiale du groupe, a mis au point une solution antifongique, antibactérienne et antivirale. Cette dernière vise à protéger les surfaces contre les risques de détérioration et de contamination. « Notre rôle consiste à déployer nos moyens de recherche et d’innovation pour renforcer les billets de banque dans tous les domaines : lutte contre la contrefaçon, réduction de l’impact environnemental, accroissement de la durée de vie, protection sanitaire des usagers, explique Nicolas Koutros, le directeur général adjoint du groupe François Charles Oberthur, premier fabricant privé de billets en euros. La responsabilité juridique des banques centrales est variable d’une juridiction à une autre. En revanche, l’obligation morale est, à mon sens, évidente dans tous les cas. Lorsque la banque émet des instruments dont la vocation est de circuler de main en main, elle doit s’assurer, en toute objectivité, que toutes les mesures possibles ont été prises pour que cette circulation n’entraîne pas de nouvelles contaminations. »

Une surface inhabitable pour les virus et les bactéries

Si les propriétés antifongiques et antibactériennes sont présentes dans les billets depuis plusieurs années, la protection antivirale, elle, représente une innovation. « En 2009, nous avons débuté une réflexion de formulation suite à l’arrivée de la pandémie grippale due au virus H1N1 », se rappelle Henri Rosset, responsable du laboratoire et inventeur de la technologie Bioguard. C’est finalement en 2020, avec la déferlante du SARS-CoV-2, que la fonction autodésinfectante voit le jour. La formulation anti-Covid est validée au printemps 2021 par plusieurs laboratoires. « On divise par 500 à 1000 le nombre de virus présents après quelques heures », affirme Nicolas Koutros, également directeur général délégué de la filiale Bioguard & Co. « On évite à la surface ou au matériau de devenir un nid à microbes, résume Henri Rosset. Les propriétés de base du matériau sont maintenues. Bioguard ne génère aucune modification d’aspect. »

10 milliards de billets de banque « Bioguardisés »

Bioguard répond à plusieurs certifications, parmi lesquelles l’ISO 20743:2013 pour son action bactéricide, l’AATCC 30 part III pour celle sur les champignons et l’ISO 21702:2019, l’une des normes qui mesurent l’activité antivirale. L’effet de la protection est estimé à plusieurs années par Bioguard & Co. Les banques centrales du Botswana et de l’Irak ont été les premières à communiquer officiellement sur l’intégration de Bioguard sur leur monnaie. Actuellement, « 10 milliards de billets ‘bioguardisés’ circulent dans le monde », indique Nicolas Koutros.

Fonctionnaliser les papiers cartons, les plastiques, le bois…

Un début prometteur. Mais le groupe voit plus loin. Dans un monde durablement transformé par l’impact du Covid-19, François Charles Oberthur espère bien conquérir de nouveaux marchés. Ajoutée par un traitement à cœur dans du papier ou du carton, la solution s’applique aussi sur du plastique, par enduction, et en vernis sur du bois. Une application par pulvérisation est également en cours de développement.

« On travaille à la réduction des risques de contamination en complémentarité des mesures vaccinales », fait valoir Nicolas Koutros. Première illustration de cette diversification, Bioguard & Co fournit, depuis quelques mois, le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes avec un papier d’impression fonctionnalisé antiviral. Une première étape. Les tests d’enduction sur films plastiques ainsi que les applications de vernis pour traiter les surfaces de bois stratifié révèlent d’autres ambitions. « À la différence des solutions centrées sur un produit et/ou un procédé d’application, la technologie Bioguard est une approche globale adaptée au besoin du client », fait valoir Nicolas Koutros.

L’hygiène de l’emballage, une préoccupation croissante

Les entreprises de la plasturgie, de la transformation du bois ou du papier carton sont particulièrement visées. « Les enjeux environnementaux, c’était hier. L’enjeu de demain [pour l’emballage] repose sur l’intégration de protections sanitaires », affirme Nicolas Koutros, se référant à une étude réalisée par le cabinet McKinsey en mai 2020 (Shaping the next normal of packaging beyond Covid-19). « Les effets [du] Covid-19 sur les habitudes de consommation devront être pris en compte par les industriels », assure le dirigeant. L’étude indique que les considérations hygiéniques, absentes avant la pandémie, constituent désormais l’une des six méga-tendances qui auront, après crise, un impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Une nouvelle donne dans laquelle Bioguard & Co espère bien jouer un rôle. A plus forte raison alors que la Banque centrale européenne envisage une cryptomonnaie adossée à l’euro en 2026.


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